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Bisphénol A, reconnu comme perturbateur endocrinien : une définition bientôt revue par l'Europe ?

Bisphénol A, reconnu comme perturbateur endocrinien : une définition bientôt revue par l'Europe ?

Depuis le 16 juin 2017, le bisphénol A est inscrit sur la liste des substances extrêmement préoccupantes au titre de perturbateur endocrinien. Le 4 juil., les États membres de l'Union européenne devraient enfin se prononcer sur un texte définissant les perturbateurs endocriniens. Une étape importante qui pèsera (ou non) sur la réglementation qui encadre les pesticides. 

L’Agence européenne des produits chimiques (Echa) a reconnu le Bisphénol A (BPA) comme perturbateur endocrinien pour l’humain dans un communiqué diffusé le 16 juin 2017 à Helsinki (Finlande). Un résultat salué le jour même par le ministère français de la Transition écologique dans un communiqué : « Le ministère de la Transition écologique et solidaire se félicite de cette décision du comité des États membres de l'Echa, qui reconnaît ainsi pour la première fois le caractère préoccupant d’une substance au titre de ses propriétés de perturbation endocrinienne pour la santé. »

« Cette décision aura pour conséquence une obligation pour l’industrie de notifier à l’Echa la présence de la substance dans les articles fabriqués ou importés et d’informer l’acquéreur d’un article de la présence de BPA. » Elle « ouvre la possibilité d’en limiter l’usage, en conditionnant son utilisation à l’octroi d’une autorisation temporaire et renouvelable », explique l’Agence française de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui a porté le dossier à l’Echa au nom de la France.

« L’Union Européenne n’a plus aucune raison de retarder l’élargissement à l’ensemble de l’Union européenne de la loi votée en France, à l’initiative du Réseau environnement santé (RES), proscrivant le BPA dans les contenants alimentaires », estime André Cicolella, président du RES.

« Extrêmement préoccupante » à double titre !

Dans le cadre du règlement européen Reach, le bisphénol A était déjà inscrit par l’Echa depuis décembre 2016 sur la liste des « substances extrêmement préoccupantes » pour sa toxicité sur le système reproductif. Il l'est donc dorénavant également au titre de ses caractéristiques de perturbateur endocrinien pour la santé humaine.

Interdit depuis 2015 en France dans les contenants alimentaires

En France, depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A (BPA) est interdit dans tous les contenants alimentaires et les tickets de caisse, il était déjà proscrit dans les biberons depuis juin 2010. En Europe, il est interdit dans les biberons depuis mars 2011, dans les contenants alimentaires destinés aux nourrissons et enfants en bas âge depuis janvier 2013, et il le sera dans les tickets de caisse à compter du 2 janvier 2020.

La France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place cette interdiction totale du bisphénol A dans tous les contenants alimentaires. Cependant, une enquête menée par l'Association santé environnement France (Asef) montre que la réglementation ne serait pas entièrement respectée, puisque, un an après son interdiction, du bisphénol A a été retrouvé dans des canettes et boîtes de conserve d'un supermarché, certes – à très faibles doses.

 


 

PERTURBATEUR ENDOCRINIEN : UNE DÉFINITION BIENTÔT RÉVISÉE ?

 

Selon la définition donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2002 : « Un perturbateur endocrinien (PE) est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations. »
Cette substance chimique, d’origine naturelle ou artificielle, mime, bloque ou modifie l'action d'une hormone. Sécrétées par des glandes dites « endocrines » (« qui sécrètent à l’intérieur »), les hormones sont diffusées par le système sanguin jusqu’aux organes cibles auxquelles elles « s’accrochent » grâce à un système de récepteurs uniques à chaque organe. En se fixant sur le récepteur hormonal d’un organe ou d’un tissu à la place des hormones, un perturbateur endocrinien peut créer un stimulus et modifier le comportement de celui-ci. Le PE peut aussi bloquer l’action des hormones en se fixant en grand nombre sur les récepteurs que ces dernières doivent utiliser.
Les hormones régulent les comportements et mécanismes de notre corps, tels que la croissance et la puberté, la température corporelle, le métabolisme de graisses, la faim ou la satiété, le sommeil, la libido, le niveau d’insuline, le rythme cardiaque, etc. Les effets délétères des PE sont particulièrement dommageables pendant les périodes du développement embryonnaire ou chez le jeune enfant, lorsque les hormones contrôlent la mise en place des organes reproducteurs mais aussi les mécanismes de communication entre ces organes et le système nerveux.
Une très faible dose de PE suffit à augmenter les risques de maladies en lien avec le système hormonal. Et certains PE peuvent induire des effets qui se transmettent de génération en génération.
Une nouvelle définition du perturbateur endocrinien devrait être proposée au niveau européen par les États membres de l'UE à l'occasion d'un vote prévu le 4 juillet 2017. ONG et industriels se mobilisent...

 


 

Où trouve-t-on le bisphénol A ?

Utilisé depuis plus de cinquante ans dans l'industrie du plastique, le bisphénol A est présent dans de nombreux produits (jouets, peintures, cosmétiques, contenants alimentaires...). S’il est interdit de tous les emballages alimentaires depuis 2015, il reste présent dans d'autres secteurs industriels : électro-ménager, automobile, électronique, construction...

Les risques sur la santé engendrés par le BPA sont bien évidemment minorés par les industriels du plastique, qui agitent les critères avancés par l'OMS pour justifier leur analyse.

Pas plus dangereux qu'une carotte ?

Ainsi, la toxicité du BPA est contestée par le groupe Polycarbonate/Bisphénol A (BPA) de l’association industrielle PlasticsEurope(1) qui affirme, sans broncher, dans le document Mythes et réalités sur le Bisphénol A que "Le BPA ne correspond pas à la définition scientifique d‘un perturbateur endocrinien. Le BPA n‘a pas été synthétisé pour être utilisé comme une hormone. [...] Comme beaucoup de produits naturels et d’aliments tels que les carottes, les graines de soja ou d‘autres légumes, le BPA montre de très faibles effets oestrogéno-mimétiques." Donc, si l'on en croit le groupe, le PE ne serait pas plus dangereux qu'une carotte !

Désinformation, la faute à l'émotion !

La page intitulée Légendes urbaines est également très instructive, on y lit en introduction que "La complexité et la nature technique des produits chimiques facilitent la survenue et la propagation de la désinformation. La désinformation à propos du bisphénol A (BPA) peut facilement se perpétuer, parce que les arguments émotionnels sont souvent plus faciles à comprendre et à transmettre que les déclarations factuelles fondées sur la science." Ah oui ? La population se laisserait donc berner par ses seules émotions en oubliant tout sens critique ? C'est vraiment faire peu de cas de l'intelligence de ses contemporains !

Bisphénol A

Plus loin, le "Mythe - Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien ou hormonal" est démonté par les arguments suivants : "En appliquant une approche basée sur la valeur probante des éléments de preuve scientifique, le groupe d’experts de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a conclu que "sur la base des critères de l’OMS, il est impossible de conclure que le BPA est un perturbateur endocrinien". Le voilà le nerf de la guerre, les critères qui définissent un perturbateur endocrinien !

Une nouvelle définition européenne le 4 juillet ?

C'est précisément ce sur quoi vont plancher les États membres de l'Union européenne à qui la Commission européenne va proposer au vote une définition des perturbateurs endocriniens, lors d'une réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (Echa), le 4 juillet 2017 (Le Monde, 18 juin 2017). Une échéance qui pourrait changer la donne... ou non.

Les avis sont partagés selon le camp concerné. Les industriels et producteurs agroalimentaires craignent une définition qui placerait certaines substances sur une liste noire. Les ONG, quant à elles, redoutent que cette définition soit trop laxiste, favorable aux lobbies. Trois sociétés savantes internationales (The Endocrine Society, la Société européenne d’endocrinologie et la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique) représentant des milliers de chercheurs et de cliniciens ont adressé, le 15 juin, une lettre aux 28 ministres européens chargés de l’environnement pour les alerter sur  la faiblesse de la proposition du texte de réglementation des perturbateurs endocriniens élaboré par la Commission européenne.

Les ONG avancent deux critiques principales. Le niveau de preuve exigé par les critères, trop élevé selon eux pour identifier un produit chimique comme un perturbateur endocrinien. Et deuxièmement, la nouvelle disposition apparue en décembre 2016, qui prévoit une dérogation pour les pesticides conçus pour agir sur le système endocrinien des organismes nuisibles. Même s’ils ont des effets sur des invertébrés non ciblés !

 


 

LISTE DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

 

• Paraben présent dans les cosmétiques et les médicaments.
• Bisphénol A présent dans les emballages alimentaires plastifiés, boîtes de conserve, tickets de caisse, lunettes en plastique, bouteilles en plastique, récipients alimentaires, canettes, jouets, certains composites dentaires, électro-ménager, automobile, électronique, construction... En France, le BPA est interdit depuis 2015 dans les contenants alimentaires et les tickets de caisse.
• Perfluorés (PFC) présent dans les tissus imperméables ou transpirants, les revêtements anti-adhésifs des poêles et dans certains emballages alimentaires cartonnés ou plastifiés.
• Phtalates présent dans les câbles et adhésifs.
• Pesticides, notamment ceux qui comportent des composés dits « organochlorés » comme le chlordécone ou le DDT. Malgré l’interdiction de ces produits en France (respectivement en 1993 et en 1971), ils sont toujours à l'origine de cancers et de maladies endocriniennes aujourd’hui.
Selon un rapport commun de l’OMS et du PNUE "State of the science of endocrine disrupting chemicals (2012)" publié en 2013, près de 800 produits chimiques sont connus ou soupçonnés d’interférer avec le système hormonal humain...

 


 

L'Europe pliera-t-elle devant les lobbies ?

L'enjeu est de taille, le dossier hautement sensible. En effet, ces critères d’identification des PE adoptés au niveau européen permettront, dans un premier temps, de réguler les substances présentant ces propriétés de PE chez les pesticides. Ils s'appliqueront ensuite, à plus ou moins brève échéance, à une grande quantité d’autres produits, cosmétiques ou pharmaceutiques notamment.

Sachant que la bataille fut rude pour reconnaître le bisphénol A comme PE, on s'attend à une résistance musclée de la part des industriels. Comme l'avait rappelé Alice Bernard, de l'ONG de défense de l'environnement ClientEarth, « les lobbies du plastique avaient attaqué la première décision » de l'Echa [celle de qualifier le bisphénol A de « substance extrêmement préoccupante » au titre de sa toxicité pour le système reproductif] devant la Cour de justice de l'Union européenne, et elle s'attendait « à ce qu'ils s'attaquent à cette nouvelle décision ».

Espérons que ce septième vote européen sur la définition des PE, qui aura lieu le 4 juillet, aboutira à une ferme réglementation protégeant à la fois l'homme et l'environnement. Rappelons que, selon l'étude "Estimating Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union"(2), l'impact des produits chimiques sur les systèmes de santé européens est estimé à au moins 157 milliards d’euros par an.
 

Isabelle Capitant

 
(1) Les membres du groupe Polycarbonate/Bisphénol A (BPA) incluent les principaux producteurs de Bisphénol A en Europe : Covestro, SABIC, Trinseo, Hexion.

(2) Étude menée par Leonardo Trasande, de l’Université de New York, publiée dans The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism (avril 2015).


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