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Projet de loi sur les dérives sectaires : l’article liberticide réintroduit par l’Assemblée nationale

Projet de loi sur les dérives sectaires : l’article liberticide réintroduit par l’Assemblée nationale

Mercredi 7 février, la commission des lois de l’Assemblée nationale a voté pour la réintroduction de l’article 4 du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Fortement critiqué par le Conseil d’État, cet article avait été jugé liberticide et supprimé par le Sénat en décembre. Le projet de loi sera discuté en séance publique par les députés cette semaine, mardi 13 et mercredi 14 février.

◆ L’article 4 réintroduit dans sa version initiale

Ce n’est pas définitif puisque le texte du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires sera encore discuté en séance publique par les députés les 13 et 14 février, mais l’examen du texte par la commission des lois de l’Assemblée nationale ce mercredi 7 février a donné un avant-goût de l’issue des débats.

L’élément majeur à noter est la réintroduction dans son intégralité de l’article 4 de ce projet de loi, pourtant fortement critiqué par le Conseil d’Étatpour son caractère liberticide et carrément supprimé par le Sénat, pour la même raison, lors d’un vote en décembre dernier.

◆ Deux infractions punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende

Cet article concerne les dérives sectaires dans le champ de la santé. Il a notamment pour objet de condamner toute « provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique ».

Il vise également à condamner « la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

Les deux infractions seraient punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

◆ Un danger pour différentes libertés

Comme nous l’avons déjà souligné, cet article constitue un énorme danger pour la liberté de prescrire des médecins, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte, mais aussi pour l’exercice des pratiques de soin dites non conventionnelles. Et enfin, pour la liberté des patients à choisir leur traitement.

👉 Lire notre article du 23/11/2023 :

loi derives sectaires anti libertes fondamentales

👉 Lire notre article du 26/12/2023 :

article liberticide supprime

👉 Lire notre article du 29/01/2024 :

anti thérapie non conventionnelle

◆ Un article qui pose problème même à ceux qui le soutiennent

Lors de l’examen du texte en commission des lois, même le député Didier Paris, représentant du groupe Renaissance, a souligné cette difficulté et demandé une rédaction complémentaire, afin que les libertés individuelles soient plus clairement prises en compte, tout en soutenant bien évidemment la réintroduction de l’article proposé initialement par le gouvernement. Ses deux collègues du MoDem et du groupe Horizons ont été sensiblement du même avis.

Le socialiste Arthur Delaporte s’est également prononcé en faveur de cette réintroduction, afin de « lutter contre l’abstention thérapeutique » qu’il considère être « un fléau qui s’observe chez les influenceurs et [c’]est un problème de santé publique ». Il a néanmoins demandé que « les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux lanceurs d’alerte évoquant des faits avérés ».

La députée non inscrite Emmanuelle Ménard a, pour sa part, estimé que l’avis du Conseil d’État était « clair » et « limpide », et que ses recommandations à trouver un équilibre entre les différentes libertés n’étaient pas satisfaites par l’article tel qu’il est actuellement rédigé.

◆ Distinguer vrais gourous et lanceurs d’alerte

Les seuls à s’être véritablement opposés à cet article 4 ont été les députés La France insoumise et Rassemblement national. « OK pour punir les vrais gourous, mais pas pour entrer dans une insécurité juridique pour éteindre le débat médical qu’il peut y avoir », a indiqué le représentant du RN Thomas Ménagé, tout en rétorquant à Arthur Delaporte que « quand on est lanceur d’alerte, les faits ne sont jamais avérés » et qu’Irène Frachon, la lanceuse d’alerte du Mediator, « aurait pu être condamnée sous couvert de l’article 4 ».

De son côté, Jean-François Coulomme, du groupe LFI, a souligné le « flou » de ce texte qui laisse tout le monde dubitatif et « nous fait sortir du cœur du sujet qui devrait être la lutte contre les dérives sectaires ».

◆ Comment juger des pratiques bonnes ou mauvaises pour la santé ?

S’adressant à la rapporteure de la commission, Brigitte Liso (groupe Renaissance), qui citait dans sa présentation des exemples de « dérives thérapeutiques à caractère sectaire », Jean-François Coulomme observe : « Vous avez rappelé par exemple, mais c’est votre conviction, que faire du jeûne n’était pas bon pour la santé et que c’était tromper le public de lui faire croire que pratiquer le jeûne pouvait être bon pour la santé. Mais il y a, y compris chez les médecins, des gens qui sont d’une opinion différente. C’est le type d’opinion qui pourrait tout à fait se manifester au travers de blogs ou de sites internet, mais qui n’ont pas de visée sectaire. »

Faussement candide, le député LFI ajoute : « On ne peut pas imaginer que ce texte cherche aussi à rétablir une soi-disant vérité médicale. Qui serait l’autorité qui est en mesure, et certainement pas la Miviludes, d’aller dire que telle ou telle pratique est bonne ou mauvaise pour la santé ? » Et de conclure que, pour lui, cet article 4 ne doit être restitué « ni dans sa version initiale, ni d’ailleurs dans son esprit ».

La réintroduction de l’article a néanmoins été adoptée. Verdict final cette semaine, lors des séances publiques.

Article par Alexandra Joutel

 

👉 Lire notre article papier en accès libre sur la Miviludes dans notre n° 146 (mai-juin 2023) :

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