Olivia Maurel, née de gestation pour autrui, veut faire abolir cette pratique
Porte-parole de la « Déclaration de Casablanca pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui », Olivia Maurel a livré au média Parents ! un témoignage fort sur son propre vécu d’enfant née de GPA. Elle s’est également exprimée dans la matinale de Tocsin. Selon elle, la GPA est traumatisante pour la mère et pour l’enfant et ne peut en aucun cas être « éthique ».
◆ Des troubles et des doutes depuis l’enfance
« Je suis Olivia née de GPA, de mère porteuse, et aujourd’hui, je me bats pour abolir la gestation pour autrui qui détruit la vie de beaucoup d’enfants et de femmes. » C’est ainsi que se présente Olivia Maurel en introduction d’unevidéo publiée le 13 mars dernier sur la chaîne YouTube Parents ! S’ensuit un témoignage poignant, où la jeune femme de 32 ans raconte son histoire d’enfant née de gestation pour autrui (GPA).
Pendant toute son enfance, les parents d’intention d’Olivia (ceux qui l’ont élevée) lui ont tu ce secret. Mais en grandissant, l’adolescente se met à développer des troubles psychologiques (troubles de l’identité, dépression, addictions…) et à nourrir des doutes sur ses origines. Ce qui lui met d’abord la puce à l’oreille est l’âge de sa mère : celle-ci avait 49 ans quand Olivia est née. Par ailleurs, la jeune fille voit bien qu’elle ne ressemble pas du tout à celle qui est censée être sa mère biologique. Elle remarque aussi qu’il n’existe aucune photo de sa mère enceinte ni aucune prise à la maternité. Et puis, Olivia est née aux États-Unis… Pourquoi sa mère aurait-elle accouché là-bas ?
◆ La confirmation par un test ADN
Vers 17 ans, Olivia décide de faire des recherches sur Internet et découvre qu’il existe des centres de gestation pour autrui dans le comté du Kentucky où elle est née. Pour l’adolescente, c’est une « évidence », mais ses parents font la sourde oreille.
Jusqu’au jour où, pour ses 30 ans, on offre à Olivia un test ADN. Le résultat est net : « Je n’ai pas 1 % de Français dans mon sang, [alors que] ma mère d’intention est française », relate la jeune femme à Parents ! Olivia détient enfin la « preuve irréfutable » qu’elle cherchait et se sent « soulagée d’un poids ». Grâce à ce test ADN et à sa base de données, elle réussira aussi à entrer en contact avec l’une de ses cousines germaines aux États-Unis, puis avec sa mère biologique.
◆ « Elle n’a pas pu me prendre dans les bras »
« Pour moi, le plus traumatisant dans la GPA et pour n’importe quel enfant, c’est la séparation de la mère, la mère qui porte l’enfant pendant neuf mois et qui va ensuite céder l’enfant. J’avais besoin de savoir comment s’était passé cet instant-là », explique Olivia Maurel, qui poursuit, très émue : « Quand je suis née, elle n’a pas pu me prendre dans les bras, j’ai été directement donnée à mes parents d’intention et je pense que ça a été le premier traumatisme qui a malheureusement écrit le reste de ma vie. »
Aux traumatismes liés à la séparation et à l’abandon s’en ajoute un autre : celui d’avoir été traitée comme un vulgaire objet. « Je pense qu’il est toujours compliqué en tant qu’enfant de se dire qu’à un moment donné, on a fait l’objet d’un contrat, on a été une chose, on a été vendu, et que la personne qui nous a fait grandir, qui nous a porté, qui nous a nourri pendant neuf mois, en qui on avait confiance, qu’on devait voir à la naissance nous a vendu à une autre famille. »
◆ Commercialisation d’enfant et eugénisme
Pour Olivia Maurel, cette pratique « s’apparente à de la commercialisation d’enfant », puisque l’enfant est « l’objet d’un contrat », « on l’achète » et il « a un prix ». « De même, on commercialise le corps de la femme, on va louer son utérus pendant neuf mois, cela aussi fait l’objet d’un contrat, cela aussi a un prix. »
La jeune femme souligne également que « dans les agences de gestation pour autrui à l’étranger, ils vendent des packages, où on peut dans certains cas choisir la couleur des yeux d’un enfant, le sexe », ce qui est pour elle de « l’eugénisme ».
Sa conclusion est sans appel : « La gestation pour autrui devrait juste être abolie. Il n’y a pas de régulation possible à la traite d’êtres humains, à la vente d’enfants, à l’utilisation du corps de la femme comme incubateur. »
◆ « Un business ultra-juteux »
Invitée sur la chaîne Tocsin quelques jours plus tard, celle qui est aussi la porte-parole de la « Déclaration de Casablanca pour l’abolition universelle de la GPA » estime que la GPA éthique n’existe pas et que les mères porteuses le font forcément ou aussi pour l’argent. Aux États-Unis, par exemple, « c’est un pur commerce, où on rémunère très largement la mère porteuse », « et c’est un business qui est ultra-juteux ». « Au Canada, on ne rémunère pas directement la mère porteuse, mais indirectement en la défrayant de tous frais, donc elle vit à peu près gratuitement pendant un peu plus de neuf mois. »
En 2022, le marché de la GPA valait 14 milliards de dollars, d’après Olivia Maurel, et il serait estimé à 130 milliards de dollars à l’horizon 2032, sachant que le coût pour avoir un bébé en GPA est très variable d’un pays à l’autre et peut aller de 45 000 € à 180 000 €, selon le site babygest.com, ou même frôler les 300 000 € selon un article du Journal des Femmes datant de 2020.
Pour Olivia Maurel, « même si on dit qu’il y a des mères consentantes et heureuses de le faire », cela ne rend pas cette pratique plus éthique : « Il n’y a pas de moyens éthiques d’utiliser le corps d’une femme pour faire un enfant, même si elle est consentante. Il n’y a pas de moyens éthiques de vendre un enfant non plus. Je ne vois pas comment c’est possible, comme il n’y a pas de moyens éthiques d’utiliser un esclave. »
◆ Des « usines à bébés » avec des mères forcées
Le pire se situe, bien entendu, dans les pays où existent de véritables « usines à bébés », comme c’est le cas en Ukraine. Mais ce pays n’est pas le seul et Olivia Maurel cite également l’Inde, la Thaïlande ou encore la Grèce, où « a été démantelé un horrible centre de GPA » en août 2023. D’après le site d’actualité bioéthique genethique.org, la police fédérale grecque y aurait trouvé « plus de 160 femmes pauvres originaires de pays comme l’Ukraine, la Roumanie, la Moldavie, la Géorgie et l’Albanie », « poussées à devenir donneuses d’ovocytes et mères porteuses ».
Olivia Maurel rappelle aussi que « pour faire une GPA, on doit injecter [à la mère porteuse] des doses d’hormones qui sont énormes […] pour que son corps accepte cette grossesse qui n’est pas naturelle. Et on ne sait pas aujourd’hui ce que ces hormones font sur ces femmes. On ne sait pas si ça va produire de l’infertilité ou des cancers, ce n’est pas du tout étudié. » La militante pour l’abolition ajoute que ces grossesses sont aussi à risque de complications, voire de décès pour la mère porteuse.
◆ Déconstruire 40 ans de discours sur la GPA
Pour toutes ces raisons, Olivia Maurel regrette qu’il soit aujourd’hui « difficile de se faire entendre » sur cette question en France, où les médias préfèrent raconter de « belles histoires de parents commanditaires », en mettant en lumière « des enfants qui ont 8 ans, 10 ans, et qui sont beaucoup trop jeunes pour s’exprimer sur le sujet ».
La porte-parole de la « Déclaration de Casablanca pour l’abolition universelle de la GPA » constate néanmoins que d’autres pays commencent à s’ouvrir à cette problématique. Elle a récemment été reçue en République tchèque, en Croatie, à Rome, et le sera bientôt au Parlement européen. Mais elle sait qu’elle s’attaque à gros : « Ça fait 40 ans qu’on construit cette idée de la GPA, que c’est magnifique. On parle du droit à l’enfant, alors qu’il n’y a pas de droit à l’enfant. Il faut déconstruire toute cette pensée de 40 ans et ça va être difficile. » Un combat qu’Olivia Maurel et la centaine d’experts (médecins, psychologues, juristes, avocats, enseignants, chercheurs…) signataires de la « Déclaration de Casablanca » jugent cependant aussi urgent que nécessaire à mener.
Article par Alexandra Joutel
(Image extraite de la vidéo publiée le 13/03/2024 sur la chaîne YouTube Parents !)
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