Réquisition et mobilisation : quelles différences ?
Suite à notre article paru le 21 mars dernier, intitulé « Si la France entre en guerre, pouvons-nous être réquisitionnés ? », le média d’enseignants-chercheurs en droit Les Surligneurs a réagi pour apporter des précisions et bien souligner les différences entre réquisition et mobilisation. Pour autant, si la France entrait en guerre, les deux sont possibles. La réquisition étant même désormais possible sans menace clairement définie.
◆ Seuls les mobilisés vont au front
« Si la France entre en guerre, pouvons-nous être réquisitionnés ? » À cette question posée par notre article du 21 mars dernier, la réponse apportée parLes Surligneurs est : « Oui, et même mobilisés ! » comme le prévoient les articles L2141-1 à L2141-4 du Code de la défense. Et c’est bien en cas de mobilisation (qu’elle soit générale ou partielle), et uniquement dans ce cas, que des civils peuvent être envoyés au front.
Le pouvoir de réquisition, lui, permet juste à l’État « de se doter autoritairement de moyens humains et matériels » (par exemple : un véhicule et son conducteur, une usine de production et ses salariés, des moyens technologiques et le personnel qualifié allant avec), mais « ne [permet] pasd’enrôler des personnes » et « n’a pas vocation à envoyer au combat », précise Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay et auteur de l’article des Surligneurs.
Même si notre article ne parlait aucunement d’enrôlement ni d’envoi au front, cette précision nous paraît toutefois utile, car le titre de notre article, sans doute mal choisi, a pu induire en erreur et faire confondre réquisition et mobilisation.
◆ Un champ de menaces plus vaste
Cette distinction établie, il n’empêche que le régime des réquisitions a été considérablement élargi par l’article 47 de la loi de programmation militaire du 1er août 2023. Plusieurs articles du Code de la défense ont été modifiés ou abrogés pour entrer en vigueur au plus tard le 1er août 2024.
En premier lieu, le pouvoir de réquisition n’est désormais plus limité aux seules conditions de menaces militaires, mais peut être utilisé dans le cadre de toute « menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, à la protection de la population, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense » (article 2212-1 modifié du Code de la défense).
◆ Le flou de la « menace prévisible »
Reprenant les motifs exposés par le gouvernement au moment du projet de loi, le professeur Markus justifie pleinement cet élargissement par le fait que, « les guerres étant désormais “hybrides” », il est devenu nécessaire de « moderniser le Code de la défense en étendant les réquisitions à tous les biens, services et personnels aptes à permettre une réponse aux différents types d’agressions (armée, technologique, terroriste, etc.) ». Qu’une guerre soit déclarée ou non.
Cette explication peut s’entendre, mais ce qui alerte dans le texte, c’est la notion de « menace prévisible », toute situation pouvant potentiellement contenir une menace prévisible, de sorte qu’une menace prévisible peut facilement devenir une menace plus ou moins permanente… On peut donc légitimement s’interroger sur ce qui définit une « menace prévisible », sur quels critères elle repose, quand elle commence et quand elle s’arrête.
De plus, « la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires » pour parer à cette fameuse « menace, actuelle ou prévisible » peut désormais être « décidée par décret en Conseil des ministres ». Donc sans concertation et sur des critères flous.
◆ Toutes les femmes pourront désormais être réquisitionnées
Par ailleurs, si le nouvel article L2212-5 du Code de la défense (en vigueur à partir du 01/08/2024) précise bien que « les personnes physiques sont réquisitionnées en fonction de leurs aptitudes physiques et psychiques et de leurs compétences professionnelles ou techniques » (ce qui était auparavant indiqué dans l’article L2212-1), on constate que les dispositions de l’article L2212-2, relatif aux « personnels féminins », vont disparaître.
Or, ces dispositions protégeaient de la réquisition individuelle les femmes enceintes, celles ayant la charge d’un ou plusieurs enfants n’ayant pas atteint la limite d’âge supérieure de l’obligation scolaire, et celles ayant la charge d’une ou plusieurs personnes âgées ou atteintes d’une incapacité nécessitant une assistance permanente.
Toutes les femmes pourront donc désormais être réquisitionnées, sauf peut-être les femmes enceintes si leur état ne leur permet pas de répondre aux conditions d’aptitudes physiques mentionnées à l’article L2212-5…
◆ Une peine très alourdie en cas de refus
Enfin, dernière modification notable sur laquelle l’article des Surligneurs ne s’arrête pas : le nouvel article L2212-9. Celui-ci stipule la peine encourue en cas de refus : « Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 euros le fait de ne pas déférer aux mesures légalement ordonnées. »
Une peine énorme, comparée aux anciennes dispositions qui étaient d’un an d’emprisonnement et 4 500 € d’amende en temps de paix, et cinq ans d’emprisonnement sans amende en temps de guerre (articles L2236-2 etL2236-4 abrogés par la loi du 1er août 2023). Le seul cas où la peine était équivalente était si « un opérateur spatial » ou « l’exploitant d’un objet spatial » refusait de déférer (article L2236-2-1). Pourquoi un tel durcissement ? Nous continuons de nous interroger.
Article par Alexandra Joutel
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